mercredi 1 octobre 2014

Moins trois mois

J moins 3 mois. Billet d’avion dans la poche, le temps s’accélère.
Revoici les listes. Listes de ce qu’il faut acheter, de ce qu’il ne faut surtout pas oublier, de ce qu’il faut commander, de ce qui doit absolument entrer dans les valises — du nouveau pilote électrique au régulateur solaire de rechange, en passant par un peu de dyneema (encore!), quelques lampes frontales et plein de trucs et de machins.
Liste de ce qu’il faudra trouver sur place — des bottes ? les miennes étaient tellement mortes-cuites, fendues de partout, qu’elles ont passé à la poubelle en arrivant à Valdivia en avril; une rallonge de cheminée ? de l’antifouling ? une nouvelle antenne ? une VHF portable ? il paraît qu’on ne peut pas transporter la VHF en soute à cause de la batterie ...

La préparation de la suite du voyage passe aussi par les lectures. Cet été, j’ai potassé le guide “italien”, celui qui décrit toutes les caletas, mouillages et anfractuosités des canaux de Patagonie. En ce moment, je relis les livres de Luis Sepulveda et Francisco Coloane.

La Huamblín laissa derrière elle les courants redoutables du Golfe de Penas pour s’engager dans le majestueux canal de Messier et s’aventura dans le labyrinthe d’îlots de l’Angostura Inglesa, qui ne peut être emprunté que par un seul bateau à la fois. Et un soir enfin, la Huamblín jeta l’ancre dans les eaux de Puerto Eden, enclavé sur la rive nord du Paso del Indio.
Puerto Eden doit probablement son nom à la fabuleuse beauté du site. A l’extrémité du canal Messier, bordé de hautes murailles grisâters, le courant enfle comme une veine pressurée et le sombre couloir monumental débouche sur un monde nouveau, primitif, où règne une nature d’une luxuriance grandiose et indomptée. Après l’imposante austérité de la roche, les îles verdoyantes de Puerto Eden offrent le spectacle d’une splendide oasis qui semble récemment sortie des eaux, et où le voyageur s’attend à rencontrer les premiers hommes.
Francisco Coloane — Tierra del Fuego

Je me pâme aussi devant les photos de Gregory Korganov. Il a visité la Patagonie terrienne, mais cela ne fait rien. Les paysages et les gens, terres et visages sombres et burinés, sont magnifiques.

Et il ne faudrait pas oublier Pablo Neruda.

                         J’ai été le jeune monarque
                         au pays de ces solitudes,
                         un monarque obscur qui eut pour royaume
                         le sable, les arbres, la mer, le vent âpre:
                         l’espace, mû par le baiser
                        du sel, à découvert,
                        à grands coups de vent liquide et amer,
                        j’allais, j’allais, je suivais l’infini.
                                                                         Ecrit à Sotchi (Mémorial de l’Ile Noire)



Dans les moments de libre, entre élaboration de listes, vie trépidante, préparation de mes cours d’anglais et d’allemand, correction d’évaluations, sans oublier la confection de cookies, tartes aux pommes et confitures — il faut bien vivre ! — nous apprenons l’espagnol. 
Je dis nous car: Mahaut prend des cours tous les mardi soir, Thibault s’est inscrit à un cours intensif à l’uni de Lausanne, et moi, ben... j’ai trouvé des cours sur Internet. On ne rit pas, merci. Dès que j’ai une petite, toute petite minute, je me rue sur une vidéo en espagnol, je fais des exercices en ligne et même si cela me prend une heure pour écrire un texte de 5 lignes, j’écris des mails et des cartes postales à mes amis chiliens et équatoriens.
Bref, comme toujours, il me – nous faudrait 30 heures dans une journée et 20 mois par année. Dire qu’il y a des gens qui s’ennuient !

Joya