Sir Ernest est à Chiloé.
Nous sommes partis mardi 10 février de
Valdivia en direction du Sud. Larguer les amarres, quitter nos amis, n’a pas
été chose facile. Nous avions tous les larmes aux yeux et c’est le coeur bien
gros que nous avons rangé les pare-battages et fini d’arrimer tout ce qui
devait l’être.
Après 24 heures de bagarre au moteur contre
un vent du sud qui a fini par s’éteindre complètement , nous avons attendu le
lever du jour à l’entrée du Canal Chacao, entre le continent sud-américain et
l’île de Chiloé. Car comme d’habitude,
nous sommes arrivés... de nuit, et nous ne voulions pas nous lancer dans ce
passage, même s’il est balisé, sans rien y voir. Et comme en plus, il est
impossible de passer à contre-courant, nous avons attendu la renverse en tirant
des bords à 5 milles au large.
Au lever du jour, nous nous sommes engagés
prudemment dans un canal qui, finalement, s’est avéré bien plus grand et plus
large, que prévu.
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Le canal Chacao, vu de l'est. |
Nous voici donc à Chiloé. Encore un endroit
dont le seul nom me faisait rêver !
C’est une grande île de 200 km de long où
il pleut 250 jours par an, disent les mauvaises langues. Depuis que nous sommes
là, il fait un temps radieux.
C’est fou ce que Chiloé nous rappelle le
Golfe du Morbihan. On se croirait entre Port Navalo et l’île d’Ars. Et puis,
finalement, non. Il y a des salmoneras
et des fermes ostréicoles absolument partout, les maisons sont couvertes de
bardeaux et leurs toits de tôle brillent au soleil, des prés fauchés de près
déclinent toute la palette des verts dorés.
Nous avons mouillé pour la première nuit dans
la Bahía Linao, un lagon circulaire, tranquille, habité par des pélicans et des
pingouins de Magellan. Petit paradis caché derrière la rangée de bouées d’une
ferme marine.
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Bahía Linao |
La nuit suivante, nous avons ancré à
Dalcahue (prononcer dal-ca-hué),
petit port de pêche très actif. C’était la fête: concerts en plein air et feu
d’artifice !
Ici, l’amplitude de marée est importante,
de l’ordre de 5 à 6 mètres. A Dalcahue,
à marée presque basse, un coup d’oeil machinal sur le sondeur me fait
sursauter... euh... 1m 60 ?! C’est pas beaucoup ça... pour le tirant d’eau de
Sir Ernest qui est de 1m65. Il ne devait pas rester beaucoup d’eau sous notre
quille.
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Dalcahue — et un ciel comme on en voit par ici |
Maintenant nous voici à Castro, capitale de
Chiloé.
On se dit: c’est le bout du monde, il ne
doit pas y avoir grand chose, mieux avoir bien anticipé... Erreur !
Castro, c’est la ville. Un peu comme Mahon,
à Minorque, pour ceux qui connaissent. Les plaisanciers en moins, la
gentillesse chilote en plus. Grouillante de monde, pleine de jeunes chiliens
chevelus sac au dos. Des supermarchés, des ferreterias,
des magasins de fringues, une grande feria
— marché de poissons, légumes et souvenirs.
Ce qu’on peut ramener de Chiloé ? Des pulls
et des ponchos, des chaussettes tricotées main, des poupées de laine, de
magnifiques écheveaux aux teintes végétales qui m’auraient ravie il y a 20 ans,
des paniers ajourés qui me font de l’oeil. Les dames chilotes qui tiennent les
étals ont toujours un tricot à la main.
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L'hòtel Unicornio kitchissime juste en face du mouillage |
Nous repartons bientôt. La météo nous
annonçait un mauvais vent pour descendre plus au sud — mais comme souvent ici,
la réalité ne ressemble pas du tout aux prévisions.
Dernier contretemps, j’attends (encore, je
n’ai pas perdu espoir!) le fameux paquet envoyé de Brême par UPS qui dort
quelque part à Santiago. Tant que nous sommes à Chiloé, je peux encore prendre
le bus — 8 heures de trajet aller! — pour aller le chercher à Valdivia, s’il
daigne arriver dans les 2 jours. Après, il sera trop tard.
Alors on croise les doigts et on fait chauffer gmail. Je vous jure que c'est bouillant !
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