mardi 15 octobre 2013

Ce qui compte, c'est le chemin


"Mais finalement, est-ce que ça ne serait pas plus simple pour toi d'aller aux Galapagos, à l'ìle de Pâques et en Patagonie en avion, éventuellement de louer un bateau sur place ?"
Thao a raison, mille fois raison. Partir avec son propre bateau est totalement déraisonnable, puisque aujourd'hui on peut acheter un billet d'avion pour n'importe quel Pétaouchnok en quelques clics de souris.

Oui, mais non.

Car la vraie question est celle-ci:
Qu'est ce qui compte, dans le voyage ? La destination, les beaux paysages, le dépaysement ? Ou le voyage en soi ?

Pour moi, clairement, c'est le processus qui m'importe.

Et dans le processus il y a ce lien particulier que j'ai tissé avec Sir Ernest. Je connais des marins pour lesquels le bateau est et demeure un véhicule. Il changent souvent de voilier, au gré de leurs envies et des opportunités. Je connais d'autres marins, pour lesquels le bateau devient un personnage à part entière de leur vie, à la fois abri et véhicule, confident, compagnon, ou fauteur de troubles et adversaire.
Pour moi, le bateau est davantage un ami qu'un abri, presque un troisième enfant. Avec ses qualités et ses défauts, un personnage dont il faut prendre mieux soin que de soi-même, parce que là-bas, sur la mer, quand on sera à mille milles de toute terre, la seule chose sur laquelle on pourra compter, ce sera lui.

Ce n'est pas la destination qui compte, mais le voyage, disent les gitans.

Alors oui, mille fois oui.

Jouer avec l'idée, la tourner et la retourner dans la tête avant de la verbaliser. Prononcer un soir, à table, la phrase tant de fois remâchée en silence ... et si on allait dans le Pacifique avec Sir Ernest ?
et regarder, le coeur battant, l'effet qu'elle produit sur les autres personnes présentes.

Faire la liste des choses à faire. S'y mettre un jour, retrousser ses manches, commencer à préparer le bateau. Démonter, poncer, installer, construire.

Préparer la route du voyage, aussi. Récolter des informations, lire des blogs, surfer sur internet, étudier les cartes, décrocher celles qui sont aux murs depuis des années, commander celles qui manquent, trouver des sites météo, des sites de courants, s'inquiéter de savoir si on sera dans une année Niño ou Niña...

Essayer de rester zen, ne pas paniquer lorsque le cerveau décide de faire le malin à aligner les et si... et si...

Acheter des trucs, du matériel, de l'équipement, faire des listes pour ne rien oublier. Perdre les listes et recommencer. Se tromper: acheter par exemple une manille de 1,3 kg  parce que trop fort n'a jamais manqué !

Et enfin, plusieurs mois après (parfois, pour certains, ces mois deviennent des années), larguer les amarres. Et commencer à naviguer, aligner des milles d'océan pour parvenir à destination. Prendre le temps qu'il faut puisque le bateau ne peut pas aller plus vite que ça.

Aucun atterrissage en avion ne pourra rivaliser avec la lente, l'interminable approche d'une terre depuis la mer. Ces heures de patience entre le moment où l'on discerne enfin la côte, celles où l'on sort les jumelles pour étudier l'entrée du port ou du mouillage, et celle où le bateau s'immobilise après deux jours ... ou quatre semaines de traversée.

C'est ça, le voyage. Ce ne sont pas des vacances. C'est une autre vie.


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