dimanche 14 décembre 2014

Lectures pour patienter



Compte-à-rebours: J-24 jours avant de reprendre l’avion pour Valdivia.
Et toujours des listes à cocher, ce qui n’a rien de très passionnant. Cela demande juste d’être bien organisé sur papier — et dans la tête !  Essayer de ne rien oublier de vital.

Aujourd’hui, j’aimerais surtout partager mes dernières  lectures avec vous.

Commençons par Joseph Conrad, que tout tout le monde connaît. Qui n’a pas lu Typhon, Lord Jim, ou encore Nostromo ? Si ce n’est pas le cas, précipitez-vous sur ces magnifiques classiques de la littérature de la mer et du voyage.

www.rugusavay.com
J'avais oublié qu’avant d’être écrivain, Conrad fut un vrai marin.  
Quittant sa Pologne natale à l’âge de 17 ans, il trouve un embarquement à Marseille et s’engage comme matelot. On est en 1874. Les grands voiliers sillonnent encore le globe, mais plus pour longtemps: les navires à vapeur commencent à leur faire concurrence.
Pendant vingt ans, Conrad va gravir tous les échelons et passer tous les brevets. Il sera second lieutenant, premier lieutenant, second, commandant...
Pendant toutes ces années, notre futur écrivain court les mers du Sud : Londres-Adelaïde, Londres-Sydney, Java, Sumatra, Bombay, Calcutta, Amsterdam, le Congo ...
Puis il pose son sac à terre, en 1894, et se met à écrire. Un livre par an jusqu’à sa mort, en 1924, récits nourris et tirés de sa vie de marin au long cours.

Je viens de lire «Le miroir de la mer» (1906) où Conrad — bien avant Hervé Hamon, Jean-François Deniau, Olivier de Kersauson et tous les autres — évoque sa relation à la fois lucide et émerveillée avec la mer et les navires. Une belle lecture que je recommande à ceux qui pourraient être en manque de mer, en cette période hivernale.

C’est une relation sérieuse que celle qui lie un homme à son navire. Celui-ci a ses propres droits comme s’il pouvait respirer et parler; et en vérité, il est des navires auxquels, pour l’homme compétent, il ne manque que la parole, comme dit l’expression.
Un navire n’est pas un esclave. Il faut faire en sorte qu’il se sente à l’aise par mer dure, il ne faut jamais oublier que c’est à lui que vous devez la part la plus grande de vos pensées, de votre savoir-faire, de votre amour-propre. Si vous vous rappelez cette obligation, spontanément et sans effort, comme si c’était un sentiment instinctif émanant de votre vie profonde, il saura faire route, virer bout au vent, courir vent arrière pour vous aussi longtemps qu’il en sera capable, ou, tel un oiseau de mer allant se reposer sur les lames furieuses, il étalera le coup de vent le plus dur qui vous ait jamais fait douter que vous vivriez assez longtemps pour voir une nouvelle aurore.

Joseph Conrad, Le Miroir de la mer.


Autre lecture, autre plaisir: Björn Larsson, «La sagesse de la mer».  

Isle of Skye— Inner Hebridies — www.cuyc.org.uk
Cet écrivain suédois a vécu plusieurs années à bord de son voilier, sans jamais descendre beaucoup plus au sud que le Cap Finisterre. Son territoire d’exploration se situe en mer du Nord, entre Suède, Danemark, Bretagne, Irlande, Ecosse. Il a lui aussi posé son sac à terre et enseigne aujourd’hui la littérature française à l’université de Lund, au sud de la Suède.

Qu’est ce qui peut vous valoir un sentiment de bonheur pareil à celui qu’on éprouve quand on vient de s’amarrer dans un nouveau port, après une longue traversée ? Lorsque avons aperçu les murs de de Saint Malo à travers une légère brume, tôt le matin, ou lorsque nous avons pénétré dans l’écluse de Brunsbüttel, sur le chemin du retour, après avoir attendu toute la nuit à l’embouchure de l’Elbe, sous un gros orage, que la marée s’inverse. Ou encore, lorsque Stan et moi nous sommes serrés la main à Fraserburgh, après la traversée de la mer du Nord ou lorsque nous avons pénétré dans le port d’Albaek, sur la côte est du Jutland du Nord, après avoir parcouru quatre cent quatre-vingts milles en droite ligne depuis Buckie et déchiré notre grand-voile à quelques encablures du port. (...) Quand, la cabine pleine de cirés et de cartes marines trempées, nous avons appelé les garde-côtes à Aberdeen pour leur annoncer, comme nous le leur avions promis pendant que nous étions en mer, notre arrivée à bon port. Ou lorsque, après vingt-quatre heures sans dormir, nous avons accosté à Tréguier après avoir traversé la Manche et couru jusque chez le boulanger pour acheter notre baguette avant l’heure de la fermeture.

Björn Larsson, La Sagesse de la mer.

Et enfin, un gros bouquin que j’ai emprunté à la bibliothèque (... et pas encore acheté): «Histoires du Bout du Monde»  de Philippe Grenier.


Les canaux de Patagonie — http://wizzz.telerama.fr/duane/
Voici une anthologie des récits de voyage en Patagonie. Comme le dit l’auteur dans sa préface:
« (...) donner une idée de cette littérature de témoignage vécu, qui s’est accumulée sur cinq siècles depuis qu’en 1520 Magellan a découvert cette «Fin de terre» absolue, et créé le mot pour la nommer, tel est l’objectif de ce livre. Il est ambitieux: il s’agit d’abord d’embrasser toute la période qui va de cette découverte jusqu’à nos jours. Il s’agit, aussi, de dépasser le seul corpus des textes écrits ou déjà traduits en français. »

Alors Philippe Grenier, géographe, chercheur au CNRS, grand connaisseur du Chili où il fut professeur d’université jusqu’au coup d’Etat de Pinochet en 1973, traduit les textes qui lui plaisent de l’anglais ou de l’espagnol.  Et le panorama qui se déploie ici, à la fois historique et littéraire, est somptueux... 


Joya


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