samedi 31 janvier 2015

Renaissance

L'équipage de Sir Ernest a l'immense bonheur de vous annoncer la renaissance de Mister Perkins. Eh oui, depuis hier, vendredi 30 janvier 2015, le moteur tourne à nouveau.
C'est qu'il s'en est passé des choses, depuis une semaine !

Lundi nous avons remorqué le bateau de La Estancilla au Club de Yates de Valdivia, en ville. Nous devions monter en ville pour deux raisons: sortir le bateau de l'eau pour lui refaire une beauté et remettre le moteur dans le bateau à l'aide de la grue du club nautique.

Première étape, le remorquage s'est fait tout en douceur.

Marcelo et son ami pêcheur nous remorquent jusqu'à Valdivia
Tirés par une petite barque de pêche et avec l'aide du flot de marée, nous sommes passés entre l'île Haverbreck et la côte de Valdivia, passant le long de dizaines de bateaux de pêche multicolores.


Arrivés à destination, Juan, le chef grutier du Club de Yates, a tout de suite voulu sortir le bateau de l'eau avec le treuil sur rails du Club de Yates, un système rudimentaire qui nous a causé quelques frayeurs. A la première tentative le bateau a menacé de s'effondrer sur babord en sortant de l'eau... Mais tout s'est bien passé la seconde fois et Sir Ernest, grinçant et par à-coups, a lentement été hissé hors de l'eau.
Ensuite ? Grattage des millions bernacles qui ont pris pendant quelques mois la coque du bateau pour HLM, puis application de deux couches d'antifouling. Mercredi matin, vite vite pour profiter des derniers instants avant que la marée ne soit trop basse pour nous permettre de flotter, le bateau a repris la direction de l'eau, toujours grinçant et hoquetant au bout de son câble.

De toute évidence, le bateau est a-do-ré par les bernacles

Après beaucoup d'huile de coude, la belle robe toute neuve de Sir Ernest
Mercredi soir, Marcelo est venu nous chercher pour aller voir le moteur. Il avait reçu un appel de Jon qui voulait nous le montrer listo —prêt, tout pimpant et presque tout neuf. Et quand on dit pimpant en évoquant un moteur Perkins, connu pour sa propension à s'enduire d'huile bien noire et à la répandre partout alentour, ce n'est pas rien !

Chez le taller, c'était la fête. Au centre de l'atelier, Mister Perkins trônant, repeint de frais, l'air tout fier. Juste à côté, un grand gril sur lequel grésillaient d'immenses pièces de viande et des saucisses. A la télé, installée pour l'occasion dans l'atelier, le match amical Chili-USA. Et de la bière, bien sûr.
C'est la fête dans l'atelier
Quelle ambiance !  Tout le monde content, détendu, on baragouine, on parle avec les mains et on dessine dans la poussière. Il y avait beaucoup de chaleur et d'amitié, ce soir là, autour du grill et du moteur.

De gauche à droite: Juan, Jon, Marcelo, Patrizio, et nous
Jeudi 29 janvier,  voici LE grand jour. Le moteur est arrivé en camionnette, et pendu à la grue, il est descendu tout en douceur dans le bateau.

Le moteur pendu à la grue
Jon guide le moteur en place
Puis Jon et ses aides (son neveu Angel, Juan, Christopher et j'en oublie) ont rebranché tout ce qui devait l'être. La boîte à eau, l'alternateur, les fils électriques. J'ai refait un tour de ville totalement exhaustif pour trouver un bout d'empaquetadura de graphito — un bout de plaque de joint graphite.

Je vous rassure, Mister Perkins ne serait pas qui il est s'il avait démarré du premier coup. Il a fallu bidouiller les injecteurs et faire un énième tour des ferreterias pour acheter toutes sortes de matériaux manquants, et.... et.... vendredi après-midi, le moteur a démarré. Avec beaucoup de fumée, des bruits bizarres, mais enfin, rien que de très normal pour un moteur neuf — comme nous l'ont assuré Jon et Phil — un ami néozèd qui se trouve par chance être un mécanicien hors pair.

Yeeeeeeessssss, oh bonheur !

Aujourd'hui, samedi 31 janvier 2015, Jon a reconnecté l'arbre d'hélice et nous sommes partis tous ensemble faire un tour sur la rivière.

Petit test sur la rivière, au soleil
Le moteur a tourné comme une horloge, il n'a pas fumé, il n'a pas cliqueté, bref il a fait son travail de moteur sans sourciller. C'est pas beau ça ?

Et maintenant ? Eh bien nous ne sommes pas pressés de quitter nos amis. Samedi prochain, nous organisons un grand asado — un barbecue géant, à La Estancilla. Pour tous les gens qui ont participé, de près ou de loin, à l'aventure de cette renaissance. Et entre-temps, nous avons promis à Marcelo de l'emmener à Niebla et à Corral, en aval. Peut-être même que nous hisserons les voiles.


vendredi 23 janvier 2015

A la chilienne

Je vous rassure tout de suite. Sir Ernest est toujours à La Estancilla et il n'a toujours pas de moteur. Cependant, en une semaine, les choses ont progressé. Un peu. A la chilienne.
Allez, je vous raconte les aventures de Mister Perkins chez docteur Jon.

Le moteur dans la camionnette de Jon (t-shirt vert à gauche) à sa sortie du bateau

Donc vous savez que nous avons sorti le moteur du bateau et que le mécanicien l'a entièrement désossé.  Les pistons et les chemises de pistons sont partis à Osorno, une ville à 100 kilomètres au sud de Valdivia,  chez un mécanicien spécialisé dans la réfection de ce genre de pièces. Belarmino les a ramenées quelques jours plus tard refaites à neuf. Magnifique.

Un des coussinets de bielle qui a dû être refait à Osorno

Notre pompe d'injection et les quatre injecteurs sont allés chez LE spécialiste de Valdivia. Impossible d'aller chez lui si on ne connaît pas. On tourne un moment dans un quartier résidentiel — petites maisons valdiviennes de toutes les couleurs —  et nous voici face à un monsieur d'une quarantaine d'années aux petites lunettes rondes et aux yeux pétillants. Les machines de précision s'alignent dans son atelier impeccablement rangé. Il nous explique que tous nos malheurs viennent du joint de la pompe à injection qui, défectueux, a laissé passer le fuel dans l'huile. En effet: la petite rondelle noire se désagrège entre nos doigts....
En conséquence, évidemment, les quatre injecteurs sont foutus. Boooooon. Cependant, et c'est notre chance, Jaime Nieto peut nous commander des injecteurs de rechange.

Au Chili, les choses ne se passent pas comme en Europe. Nous avons fini par comprendre qu'ici, le mécanicien, s'il répare les moteurs, ne s'occupe pas de trouver les pièces de rechange, ou le joint de culasse, ou la pâte à joints ou même les chiffons. Tout cela, c'est le boulot du client. Au début, je me disais que Jon se moquait de nous, à nous demander d'aller lui acheter un kilo de chiffons et du joint — 1 kilo de panto limpieza , 1 silicona griz y 1 permatek. Il a écrit ceci bien soigneusement dans mon petit carnet jaune, un peu comme une ordonnance que nous avons montrée aux vendeurs des tiendas de mecánica. Alors non, il ne se moque pas de nous. C'est juste qu'ici les choses se passent ainsi.

Ensuite, plus difficile, il nous a fallu trouver les segments de pistons, ces joints métalliques qui doivent bien évidemment avoir l'épaisseur et le diamètre exact des pistons. (Est-ce que je vous ai déjà dit que l'avantage collatéral de cette mésaventure était de m'offrir un cours approfondi de mécanique diesel ?)

Et là nous avons eu la chance de tomber sur Daniel Sanchez, le patron de DSM, magasin de repuestos — de pièces détachées Perkins, Dodge, Ford, Chevrolet. Un monsieur un peu plus âgé, qui a fait l'effort de parler lentement un espagnol que nous pouvions comprendre.  La quête de ces anillos semblait bien mal partie: il n'y a pas ces pièces Perkins dans tout le Chili, il va falloir les commander en Angleterre ou aux Etats-Unis, cela va prendre des semaines...
Puis Señor Sanchez nous a demandé de lui apporter un piston, afin qu'il puisse en mesurer les segments. Et, oh miracle, il les a trouvés, ils les a commandés, ils sont arrivés de Santiago le lendemain.
Alors que nous arrivions hors d'haleine au moment où il abaissait son rideau de fer, il nous a dit gentiment: "me allegría mucho de resolver sus problemas..."

Donc, après toutes ces péripéties, l'état des choses est le suivant:
le moteur est toujours chez Jon — mais celui-ci a désormais toutes les pièces dont il a besoin.
Reste à remonter le moteur dans l'atelier...
... à le remettre dans le bateau...
... à rebrancher tous les fils électriques, tous les tuyaux, l'arbre d'hélice...
... à tourner la clé de contact
etc.. etc...

Promis juré, un jour on larguera les amarres. Avant l'hiver austral, si possible !




jeudi 15 janvier 2015

Une semaine à Valdivia

Cela fait une semaine que nous sommes arrivés à Valdivia, la perla del Sur comme ils disent ici. Et il faut bien reconnaître que ce qualificatif lui va comme un gant. En été en tous cas. Il fait un soleil radieux — 25 degrés environ sauf quand le vent souffle du sud, il y a des rosiers partout, les gens sont en shorts et en petites robes d'été.


Ici, de décembre à mars, ce sont les grandes vacances. Les étudiants ne flanent plus sur les campus, ils travaillent: serveurs dans les bistrots, aides de caisse dans les supermarchés. Les immatriculations dans les universités sont ouvertes — il y en a 4 à Valdivia !  Et la ville grouille de touristes chiliens et argentins, d'enfants et de familles.

Les Chiliens sont toujours aussi beaux, gentils, serviables. J'ai retrouvé avec bonheur nos amis de La Estancilla. Bref tout serait pour le mieux s'il n'y avait.... euh, comment dire... un pequeño problema....

Je ne sais pas si je vous l'avais dit, mais Sir Ernest n'aime pas les hivers froids et humides. Il avait déjà très violemment protesté lorsque nous l'avions laissé en Bretagne, il y a fort fort longtemps. Et ces 9 mois à Valdivia ne lui ont pas plu. Mais alors pas du tout.
Pour vous la faire courte, la situation est la suivante: nous avons dû sortir le moteur du bateau pour une réfection intégrale. Mister Perkins est actuellement totalement démonté, il ne ressemble plus qu'à un tas de pièces détachées, lesquelles se trouvent chez deux mécaniciens à Valdivia et un autre à Osorno, une ville à une centaine de kilomètres d'ici.
Comme vous pouvez vous l'imaginer, c'est une catastrophe qui se situe assez haut sur l'échelle Richter des catastrophes affectant un voilier.
Du coup, le moral joue à l'ascenseur:

En haut: Jon, le mécanicien, vient comme  prévu démonter le moteur à bord, le sortir du bateau, et tout se passe bien...
Tout en bas:  le jour suivant, il vient nous dire que l'atelier d'Osorno n'a pas les pièces nécessaires, qu'il ne sait pas bien où les trouver, qu'il va falloir les chercher sur Internet...
Tout en haut: une heure plus tard, le même jour, nouveau coup de fil: Jon a trouvé les pièces à Valdivia, chez un mécanicien de machines de chantier...

Bref, quand je vous disais que c'est l'aventuuuuuure !

Comme dans toute aventure,  les difficultés — la cale moteur vide, les incertitudes et les inquiétudes — sont contrebalancées par une multitude d'aspects positifs:
c'est très pédagogique d'avoir vu le moteur entièrement désossé. Oui, oui, absolument.
Cet incident qui nous oblige à rester à Valdivia plus longtemps que prévu nous offre l'occasion d'un contact plus approfondi avec les gens. Avec Marcelo, par exemple, le gérant de La Estancilla, qui se met en quatre pour nous aider. Il nous emmène en voiture aux quatre coins de la ville, traduit en espagnol basique le sabir incompréhensible de Jon et donne des coups de fil à gauche à droite pour nous. Le tout avec beaucoup de gentillesse et le sourire.

Et du coup, nous avons du temps pour les mille-et-une réparations à faire sur Sir Ernest, sans lesquelles voyager en voilier serait beaucoup moins amusant. Bref, nous sommes bien occupés; autrement dit, nous travaillons tout le temps. Avec pour cadre la rivière de Valdivia.  Vous en conviendrez, il y a pire ....



Eh, oh ! Nous n'allons pas nous laisser abattre.  Souvent, en fin d'après-midi, nous prenons le bus pour la ville. Il faut commencer par se placer sur la route et faire de grands signes au bus numéro 20 quand il surgit en haut de la colline, car sinon, lancé à fond et pétaradant, il n'arrive pas à s'arrêter.

Nous avons tellement de choses à découvrir:
Quel est le meilleur bistrot où boire une bière ? Celui-ci est pas mal: rendez-vous de la jeunesse, comida lenta , autrement dit slow food...


Quel est le supermarché le mieux achalandé — en fait, cela sera peut-être bien celui où il y a du Nutella ?
Y a-t-il une vraie librairie à Valdivia ?
Où se trouve le magasin de peinture pour acheter l'antifouling ?
Où est le cinéma ?

Et quand nous commencerons à nous ennuyer, il sera temps d'aller faire un tour dans les environs. Voir le lac LLanquihue (prononcer Iankioué), Panguipulli, tous ces noms de lieux extraordinaires qui arborent leur racine indienne...















samedi 10 janvier 2015

Les mots me manquent

Nous sommes arrivés à Valdivia, comme prévu et sans encombres,  jeudi 8 janvier vers 11heures locales.
Mais après les massacres qui ont eu lieu à Paris ces derniers jours, il m'est impossible de vous raconter nos petites mésaventures. Elles paraissent tellement dérisoires !
Nous sommes bouleversés, plus que bouleversés même, les mots me manquent. En deuil.
Et bien sûr très inquiets car l'Europe est vraiment très loin, vue d'ici..

Alors à un de ces prochains jours, pour de vraies nouvelles du Sud.
Joya