En arrivant à Valdivia, en avril 2014,
Mahaut et moi, quelle n’a pas été notre surprise en voyant les grandes affiches
vantant Kunstmann — das gute Bier.
Oui, vous avez bien lu. En allemand.
Et il n’y a pas que la publicité pour la
bière qui évoque l’Allemagne. Chez Entrelagos, le chocolatier chic de la ville,
toutes les vendeuses sont en dirndl,
robes à décolleté pigeonnant et blouse à dentelles. On se croirait en Bavière
ou en Autriche.
Ici, gâteau se dit Kuchen.
Au café Hausmann, tout près du pont, on mange les meilleures hamburgers de la
ville. Une compagnie de bomberos — les pompiers, s’appelle Germania. Le collège privé le plus huppé
de Valdivia, le plus cher aussi, est l’Instituto
Alemán Carlos Anwandter. De nombreuses rues portent des noms allemands. Le
Club de Yates Valdivia s’appelait il y a quelques années Segel Verein Valdivia, cela ne s’invente pas ! Et tous les
présidents historiques du Club de Yates ont des patronymes trahissant leur origine: Schwartzenberg,
Hilker, Antebach. Aujourd’hui encore, le président du Club se nomme Carlos
Schultz Oettinger et son vice-président Jaime Viteri Gratzl...
Remontons au milieu du 19e siècle pour
comprendre. A l’époque, le Chili cherche à conquérir le nord et le sud de son
futur territoire. Et quoi de mieux, pour ce faire, que de le peupler avec des
colons — même si tout le territoire austral est habité par les indiens Mapuches
?
Pour toutes sortes de raisons, l’Allemand
est considéré comme le meilleur candidat à l’immigration. En particulier, comme
la région des lacs de Valdivia à Chiloé ressemble beaucoup à l’Europe, on pense
que les Allemands auront moins de mal à s’acclimater. Entre 1846 et 1875, 3000
personnes, bourgeois, artisans et paysans, vont venir s’installer au Chili. Il
y en aura d’autres, plus tard, mais le nombre importe peu. On dit d’ailleurs
ici: “Au Chili, les
Allemands ne se comptent pas, ils se pèsent ».
Aujourd’hui, les Deutschchilenen — les Chiliens d'origine allemande, ont la nationalité chilienne, sont bilingues, et leur patronyme trahit leur ascendance. Ils sont au sommet de la hiérarchie sociale dans cette région du sud.
Il y a quelques jours, un ancien dueño del Club, est venu faire un tour à La Estancilla, accompagné de son fils et d'un Marcelo aux petits soins. Avisant notre pavillon suisse, ils nous ont adressé la parole en un allemand parfait, quasi sans accent.
Et ce week-end de fin janvier, c'était la Bierfest Kunstmann à Valdivia. Un événement au Parque Saval, pour lequel il fallait débourser 6500 pesos (environ 10 CHF) pour pouvoir assister aux danses folkloriques et écouter la musique traditionnelle... allemande. Au Club de Yates, qui pour l'occasion a sorti tous ses drapeaux, la fameuse régate de la Bierfest à réuni 25 bateaux — dont une vingtaine de dériveurs, qui se sont affrontés sur la rivière. Le tout arrosé par des tonneaux de bière Kunstmann, évidemment.
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