On accuse souvent les marins d'être superstitieux. J'en connais plus d'un qui ne prononcent JAMAIS le nom de l'animal à longues oreilles, qui ne sifflent pas pour appeler le vent, qui n'appareillent pour rien au monde un vendredi.
Alors un vendredi 13 ! Parlons en.
Notre route vers le nord nous a enfin ramenés à Chiloé, et, après une journée de louvoyage par 15 à 25 noeuds de vent — oui, nous avons fait de la voile ! — nous décidons de nous arrêter à Quemchi.
Un petit port de pêche, une jolie baie, juste ce qu'il nous faut.
Nous arrivons à la tombée du jour, dans un grain de pluie. Inutile de dire que nos manoeuvres de mouillage sont vite expédiées. J'ai juste une petite hésitation. Dois-je mettre un orin ? Je vous explique: un orin est une corde fine que l'on fixe à l'avant de l'ancre pour pouvoir remonter celle-ci au cas où elle venait à se coincer.
Vous me voyez venir: je n'ai pas mis d'orin et me suis vite précipitée à l'abri.
Le lendemain, vendredi 13 donc, nous décidons de partir tôt, afin d'essayer d'arriver à Puerto Montt dans la soirée. Sauf que, au moment de relever l'ancre… impossible. Elle est coincée, bien coincée. L'eau est sombre, on ne voit quasi rien en transparence. On discerne une espèce de masse sombre, comme un gros rocher. L'ancre a dû s'entortiller autour pendant la nuit.
Marche avant au moteur, marche arrière, lâcher de la chaîne, reprendre de la chaîne, essayer de faire le tour de l'obstacle présumé, se mettre à l'eau en combinaison de plongée pour voir ce qu'il en est sous l'eau ( à 13 degrés !), rien à faire. Nous sommes bel et bien prisonniers.
Nous passons à l'étape suivante. Chercher de l'aide.
Gonfler l'annexe, ramer jusqu'au ponton de l'Armada, leur demander conseil. Il nous suggèrent de nous adresser aux plongeurs qui sont justement à la cale.
La Maria de los Angeles est sur le point d'appareiller, mais son patron est d'accord de venir nous aider. Son frère plongera pour nous aider à nous dégager. Pendant que le plongeur se prépare, Patrizio nous explique que tous les gens d'ici savent qu'il y a une épave coulée à cet endroit de la baie, juste en face de l'école. Non, elle n'est pas balisée, pourquoi faire ?
Artemio se met à l'eau: une grosse combi noire, cagoule, gants de cuisine, palmes, plombs à la taille. Un compresseur ronronne sur le pont arrière du bateau de pêche, auquel est fixé un très long tuyau fixé au détendeur que le plongeur tient dans sa bouche.
C'est bien cela. La chaîne s'est prise sous l'épave. Artemio traîne notre ancre sur le fond pour la dégager, nous pouvons enfin remonter le mouillage. Echange d'adresses, une bouteille de vin en cadeau, le paiement convenu (50'000 pesos), des sourires et des poignées de main. Nous nous quittons en amis.
La Maria de los Angeles s'en va travailler, dans les parcs à moules de l'île voisine.
La Maria de los Angeles s'en va travailler, dans les parcs à moules de l'île voisine.
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De gauche à droite: Rodrigo (équipier); Patrizio /capitaine); Artemio (plongeur). |
Et nous, nous nous mettons en route pour Puerto Montt, où nous arriverons demain.
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