Au bout du Canal Puyuhuapi, 4 milles avant
l’arrivée, les rives se rétrécissent soudain. C’est la porte d’entrée du pays
des Elfes. Des dauphins viennent nous saluer et deux couples de rapaces – des chimangos – survolent le bateau. Il y a du courant, il faut serrer la côte à l’ouest, un phare au sud et un autre au nord marquent les limites du passage. La couleur de l'eau, noire comme de l'huile de vidange, passe sans transition au vert laiteux.
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La Porte |
Nous franchissons la porte d'un nouveau territoire. Qu'est-ce qui nous attend ici ? Le pays des
Elfes ?
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Changement de couleur |
Nous sommes venus jusque-là pour acheter du
fuel. Car depuis que nous sommes partis de Valdivia, sauf rares exceptions, le
vent a toujours été contraire. Alors, quand vent et courant ne se liguent pas
pour nous empêcher carrément d’avancer, nous progressons au moteur.
Et Mister Perkins... il boit, le bougre.
Puyuhuapi s’aligne au fond d'une baie ceinte de montagnes festonnées de plaques de neige. Cela ressemble furieusement à un
lac de haute montagne, sauf qu’il n’y a aucun pâturage, juste une forêt en
friche, jusqu’en haut. Quand le soleil se couche, la température chute de dix
degrés.
En fait de bout du monde, ce village
d’environ 500 habitants se situe sur la Carretera Austral, la route qui relie
tous les villages isolés de Patagonie chilienne. En été, ce que nous aurions pu prendre pour le pays des Elfes est envahi de touristes
qui triplent sa population. Aujourd’hui, tout est fermé, mais les enseignes
témoignent de cette intense activité saisonnière. Hospedajes, cabañas,
campings, cafeterias, restaurantes, bed&breakfast, locations de VTT et de
kayaks: il y en a pour tous les goûts et tous les budgets. Et il y a même une
marina ! Un ponton où dorment un gros yacht à moteur et un Bavaria 50 presque neuf.
L’électricité fonctionne, un tuyau d’eau est à disposition, mais rien de
plus... La facture, en revanche, est
énooorme : 25’000 pesos la nuit à quoi il faut rajouter l’électricité.
Berta nous prend nos amarres et nous dit: “Vous avez de la
chance, le camion vient de passer. Il y a plein de frais au magasin”.
Une visite s’impose: pommes, poires, choux,
des bananes, quelques carottes, des betteraves, une dizaine de salades fatiguées: le
choix n’est pas immense.
Des touristes retardataires errent dans la rue
centrale;
Cisnes est à 89 km au sud;
Un bus part tous les matins à six heures
pour Coihaique, le chef lieu régional: 4 heures de trajet.
Même touristique, Puyuhuapi reste isolé du monde.
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Une vie de chien… chilien. |
Ce sont des Allemands qui, en 1935, ont
décidé de s’installer ici. Ils ont défriché la forêt, bâti la route, installé
une fabrique de tapis et construit la brasserie de bière Hopperdietzel.
Quelques grandes maisons de style germanique, au toit en double pente, sont
aujourd’hui des hôtels. Comme ailleurs dans tout le sud chilien, les noms de
rues rendent hommage aux fondateurs européens.
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Au centre du village: la place de jeu. |
Après ce premier repérage, nous allons faire le plein de fuel en annexe, à marée haute. A 50 mètres de la station Copec, nous amarrons le dinghy à des touffes d'herbes et trimballons nos 7 bidons avant de les descendre dans le youyou à l'aide d'une corde. Retour au bateau pour vider les bidons dans le réservoir. Et on recommence !
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La station-service de Puyuhuapi, sur la Carretera Austral. |
Le soir tombe sur les montagnes, un petit vent froid descend du versant à l'ombre. Nous allons manger un saumon
grillé au Café Rossbach, seul restaurant
encore ouvert du village. Ce soir-là, il
est plein à craquer. De touristes allemandes.
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