Magellan l'avait bien dit: le Pacifique est... pacifique. Nous pouvons
vous en dire des nouvelles, Sir Ernest et moi, qui sommes scotchés sur la
mer lisse. Ici, l'océan est d'un gris uniforme, immense et vide, parcouru
de très longues ondulations. Quelques ridelettes troublent la surface de
l'eau. Le ciel est aussi uniformément gris ou blanc laiteux, cela dépend de
l'heure. Rien à l'horizon. Ni bateau dans un rayon de 150 nm sur l'AIS, ni cétacé,
ni oiseau...
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L'océan gris et calme |
En fait, ce n'est pas tout à fait vrai. J'ai la visite,
plusieurs fois par jour, d'un fou brun qui vient faire le tour du bateau,
deux-trois fois et de tout près, en me scrutant au passage de son oeil
noir. Histoire de voir si je ne déprime pas trop ? Je vais finir par lui
donner un nom.
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Un fou brun |
J'ai aussi vu passer quelques paille-en-queue, qui signalent le début des
Tropiques. En effet, la température s'est réchauffée: il m'arrive d'être
en t-shirt pendant la journée, l'eau est à 21°5. Excellente nouvelle.
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Un paille-en-queue |
Et la vie à bord suit son cours. Le bateau essaie d'avancer coûte que
coûte. Il fait ce qu'il peut,le pauvre, mais avec 3 noeuds de vent on ne
peut pas lui demander de miracle. Les équipiers silencieux du bord ont décrété que travailler dans ces
conditions infernales ne faisait pas partie de leur cahier des charges.
Roméo, par l'intermédiaire de son syndicat, a annoncé qu'il ne barre qu'à
partir de 10 noeuds de vent. Charlie, le pilote électrique, est libéré de
toute obligation professionnelle lorsqu'il n'y a pas de soleil. Qui va
barrer, alors ? Essayer de saisir les misérables bouffées qui volètent sur
la mer ? Il faut bien que quelqu'un s'y colle ! Souvent, c'est moi...
Mais pour compléter l'équipage, nous avons dû engager
Miss Sandowette, nouvelle venue à bord. Vous être curieux ? Mais c'est
tout simple, Moitessier faisait de même: 2 sandows (des tendeurs pour
les non-initiés au parler suisse) tiennent la barre et le bateau va tout
seul. La Miss ne se débrouille pas trop mal, je vous le jure. Je peux même
aller dormir, parfois, et laisser le bateau avancer tout seul à 2 noeuds,
dans plus ou moins la bonne direction.
Grâce à ce travail de tous les instants, nous grignotons, grappillons des
milles et cela avance sur la carte. Mais oui, mais oui, c'est incroyable.
Dur d'apprendre la Zénitude, moi je vous le dis.
Très facile en chambre, un peu moins par 20° Sud et 79°W, quelque part sur
la mer, au sud du Pérou...
Joya
PS: Vous n'avez pas vu
Dead Calm ? Ce film terrifiant qui se passe sur un
voilier encalminé au milieu de nulle part ? Pour ma part, je suis sûre de
devoir une partie des angoisses qui m'assaillent dans les grands calmes
plats à ce film.
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