Nous devions partir aujourd’hui, mais nous
avons changé d’avis. Finalement, nous ne partirons que demain. Histoire de
laisser passer cette perturbation faite de grains et de vents forts qui nous
pourrit la vie — Hier, le vent a soufflé à 35 noeuds établis pendant tout
l’après-midi, Sir Ernest arc-bouté sur ses deux ancres .... Pas marrant.
Rapa Nui n’est pas une escale reposante et
nous n’aurons pas eu le temps de faire des randonnées — monter au volcan,
visiter les grottes. Une autre fois, peut-être.
Ces quelques jours nous ont permis
d’en apprendre plus sur l’île, grâce aussi à
Tengaki, notre guide local.
Les statues font face à la terre, jamais à
la mer. Pourquoi ?
— mais, explique Temana, pourquoi regarder
au large ? Les habitants de l’île vivaient tellement isolés, aucun visitieur en
plus de mille ans, vous imaginez ? Il n’y avait rien à attendre du large...
d’ailleurs, les indigènes ont accueilli Cook et La Pérouse, les fameux
explorateurs européens, à jets de pierres.
Donc les statues, qui représentent des
ancètres remarquables, font face au village à côté duquel elles sont
construites.
— pensez au facteur humain, s’enflamme
encore Tengaki. Ce sont les Vieux qui détiennent la connaissance, qui peuvent
transmettre les savoirs — la pêche, l’agriculture, la construction des abris de
paille, la sculpture...Imaginez... il n’avaient pas de métal sur l’île, toutes
les statues ont été sculptées avec des couteaux taillés dans une roche
d’obsidienne.
Comment ont-ils été dressés, ces Moaï qui font parfois 10 mètres de haut et 35
tonnes ? Là, les théories divergent. Il y a ceux qui les font rouler sur des
rondins, pendant des kilomètres. Expliquant du même coup la déforestation de l’île.
Les forêts auraient été dévastées pour des raisons de prestige et de pouvoir.
D’autres font marcher les statues. En les
dressant puis en les faisant doucement basculer de gauche à droite, on
peut faire avancer les géants vers l’ahu auquel ils sont destinés. Des essais ont montré la faisabilité de
l’opération, et la théorie trouve un écho dans les récits traditionnels, qui
racontent que les Moaï marchaient de la carrière où ils étaient construits à
leur ahu, la plateforme rituelle en
bord de mer.
La vie était dure sur l’île de Pâques. Une
île tellements isolée, dévastée par les guerres internes entre clans qui firent
des ravages humains et écologiques. Certains chercheurs considèrent d’ailleurs
aujourd’hui la catastrophe écologique de Rapa Nui comme un exemple ( à ne pas
suivre) des conséquences de la folie et de l’orgueil humains.
Tengaki raconte que dans les années 1960,
il ne passait qu’un cargo par an à Ranga Hoa. Qu’au 19e siècle, la famine était telle qu’on
pratiquait le canibalisme — d’après le témoignage d’une vieille dame qui racontait
vers 1912 avoir assisté, enfant, à ces pratiques. La situation est toute
différente aujourd’hui avec un aéroport et deux cargos par mois. Mais toujours
pas de port digne de ce nom, le cargo est ici, comme aux Galapagos, déchargé
par des barges qui font le va-et-vient avec la terre.
Et il y a la langue. La plupart des
habitants de l’île parlent le rapanui à la maison et entre amis. L’espagnol est
la langue officielle, mais tous les écritaux sont bilingues. Cette langue
polynésienne est très proche du tahitien, du maori (Nouvelle Zélande), ou du
hawaïen. Tengaki nous affirmait comprendre ses interlocuteurs polynésiens, de
la même façon qu’un Espagnol comprend un Portugais...
Alors... mau ruru Rapa Nui, iorana !
(Gracias, Rapanui, hasta luego ! — Merci,
Rapa Nui, à bientôt !)
Joya
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