Puyuhuapi ( prononcer pouillou-ouappi) est un endroit qui se mérite. Venant par la mer,
il faut monter au nord, tout au bout du bout du Canal Puyuhuapi, un long fjord
de 70 milles (140 km) de long. Des montagnes sombres couvertes d’une forêt
impénétrable tombent verticalement dans la mer.
Parfois un sommet enneigé ou un
glacier suspendu surgit au détour. A mi-chemin de Puyuhuapi, voici Cisnes — les
gens d’ici disent sidné. Impossible
de s’arrêter là. La baie n’est absolument pas protégée et c’est beaucoup trop
profond pour ancrer.
Un décor majestueux
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La longue remontée du Canal Puyuhuapi
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Nous trouvons refuge pour la nuit dans le Seño Morras, juste au moment où le vent annoncé se met à blanchir le Canal. A l’entrée, une salmonera. Au fond, une grande plage, deux maisons à la cheminée qui fume, une barque bleue et blanche.
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Au fond du Seño Morras |
Un pêcheur nous hèle: “Prenez-donc le coffre là-bas, à droite. On l’a installé pour les yates.
Il va faire mauvais, accrochez-vous aux arbres !”
Bientôt il fait nuit, la pluie tombe du
ciel comme dans les films américains, le bateau bien amarré est secoué par les
rafales de vent.
Le lendemain matin, Julio vient nous rendre
visite. La quarantaine, une bouille toute ronde et des yeux pétillants, Julio
se raconte: il travaille comme plongeur
pour la salmonera de la baie voisine.
Son boulot: descendre au fond des nasses — il plonge à 20 mètres avec un compresseur et un simple détendeur au bout d'un long tuyau — pour ramasser les poissons morts. De 40’000 à
50’000 bêtes se bousculent dans ces enclos marins, et les dueños — les patrons, sont pointilleux: il faut noter précisément le
nombre d’animaux morts. En fait de saumons, ici on élève des truites. Julio
nous apprend que les poissons d'ici sont exportés dans la Communauté
européenne. Alors... le saumon et la truite estampillés “du Pacifique” que nous achetons à Carrefour ont peut-être grandi ici,
dans le Canal Puyuhuapi. Et les patrons des élevages sont Norvégiens.
Parce
qu’ici cela ressemble à la Norvège, non ? explique Julio en riant.
Plongeur dans une salmonera est un boulot
difficile et dangereux, mais très bien payé: 1500 dollars pour 15 jours de
travail. Julio travaille 15 jours de suite puis il a droit à 10 jours de congé
qu’il passe à Cisnes avec sa famille — un fils et une fille de 15 et 21 ans, 9
neveux et nièces. Apparemment Julio passe aussi beaucoup de temps sur son ordinateur:
il adore Facebook, a des amis dans le
monde entier, et nous demande de lui copier des films et de la musique sur sa
clé usb.
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Julio Ramon Ruiz Santana, plongeur de salmonera. |
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