mercredi 26 août 2015

Derniers milles

Et voilà. C'est fini.
Cela fait une semaine que Sir Ernest a retrouvé son port d'attache, Port St. Louis du Rhône. Il est à sec. Il se repose.

Petit retour en arrière, pour vous raconter ces dernier milles, de Barcelone à Port St. Louis.
Après de savants calculs, nous avons décidé, Solenn et moi, de quitter la magnifique marina flambant neuve de Port Vell - qui s'appelle désormais One Ocean Port Vell - juste avant l'aube, à 5h du matin. L'idée étant d'arriver dans la zone qui va de Palamos au Cabo Creus après la fin de l' épisode de mistral en cours. Et avant l'arrivée du suivant.
Tout a bien fonctionné. A part qu'un nouvel accès de tramontane (peu actif, annoncé, mais néanmoins handicapant pour notre progression) s'est annoncé dans la nuit et que nous avons dû faire le tour du Golfe du Lion, à la sonde des 30 mètres, pour éviter le clapot hâché.

C'est finalement dans la nuit noire que nous avons jeté l'ancre dans le mouillage de Carteau. Après une remontée du golfe de Fos que j'ai trouvé particulièrement difficile cette année. Les lumières de la côte sont éblouissantes, il y en a toujours davantage. Et au milieu de tout ces clignotements rouges, jaunes, blancs, il faut parvenir à repérer les petits scintillements des marques cardinales, Roustan sud et Roustan est, la Balancelle, et, tout en haut du They de la Gracieuse, la GN nord.
source: sailmediterranée.com
Bonheur d'un mouillage calme, à peine troublé par la visite d'un pêcheur qui, à minuit, tous projecteurs allumés, est pratiquement venu au contact pour relever ses filets.
Le lendemain, nous profitons d'une accalmie pour vite dégréer le génois. Quelques rangements, vidange rapide du moteur et, à 15h, nous nous présentons à Navy Service où la remorque nous attend pour sortir de bateau de l'eau.

Un petit pincement au coeur, tout de même.

Sir Ernest est de retour ! Il l'a fait... Il est allé au Chili, et il en est revenu.  Une longue, longue, longue navigation, une course d'endurance et de patience. Bravo, le bateau !

Bon, je sais, et cela n'a pas fini de me fendre le coeur, nous n'avons pas vu la Patagonie de mes rêves. Juste une petite incursion, de quoi tomber amoureuse de Chiloé, des Chiliens du sud, et de donner l'envie d'aller plus loin...

Il faudra y retourner. Absolument.

samedi 15 août 2015

Bain de foule à Barcelone

Dernière escale de ce long voyage: Barcelone. Après la Linea, où nous avons fait souder la barre de Sir Ernest et où Solenn a rejoint le bateau, nous avons fait escale à Cartagena, le temps de laisser passer le renforcement de vent de nord-est qui nous barrait la route du retour, au-delà du Cabo de Palos.
Trois jours de repos, de chaleur, de flâneries, de consommation indécente de churros con chocolate.  Puis nous avons repris la mer, en route pour Barcelone via Ibiza – juste une escale baignade au nord du Cabo Roig sur la côte nord-est de l’île.
A Barcelone, nous profitons de la ville pendant quatre jours en attendant que le mistral s’essouffle dans le Golfe du Lion.  Ce n’est pas un drame : comment se lasser de la capitale catalane ?
Nous déambulons pendant des heures dans le dédale de petites rues de la vieille ville. J’adore la déco des boutiques minuscules, couloirs étroits ou caves lilliputiennes. J'adore l'inventivité des décorateurs, et celle des créateurs, qu'ils ou elles soient stylistes de mode ou d'objets - sacs, bijoux, ameublement. Dans une ruelle ombragée,  une boulangerie occupe un angle : trois plantes en pot, une table et 2 chaises rouges y aménagent une oasis de calme et de bien être.

A chaque coin de rue, une petite place. Avec ou sans arbres. Avec ou sans bistrot et terrasse. Le plus souvent avec.
source: www.blogandgo.co.uk
Et des bancs et des chaises publics, boulonnés au sol.
Et des vélos innombrables : les loueurs de bicicletas sont à tous les coins de rue. On trouve aussi vélos, trottinettes, stegways et voiturettes électriques.
Toujours sous le signe du deux-roues : les rickshaws chargés de touristes transpirants, pendant que le malheureux conducteur pédale, pédale… il fait 35 degrés sous le soleil.

Le spectacle est dans la rue : on peut passer des heures – sur un banc public, justement ! à observer les gens qui passent.

Ce matin, un concours d’agility – vous savez le dressage des chiens qui doivent sauteur au travers de cerceaux ? – devant la cathédrale de Barcelone. Eh oui.

La marina rénovée – qui s’appelle désormais One Ocean Port Vell – est un vrai hôtel de luxe au coeur de la ville. Au prix très abordable.

Le parc de la Ciutadella, une bouffée de verdure et de fraîcheur avec son étang où l’on peut louer des canots – il y a tant d’amateurs que cela fait combat d'autos-tamponneuses sur l’eau. Des couples enlacés à l’ombre de tous les arbres, des familles qui picniquent, des promeneuses solitaires prenant selfies sur selfie.

Mahaut a pris hier l’avion pour Genève : elle stresse pour son travail de matu et les multiples projets qu’elle a sur le feu.  La rentrée scolaire est dans… 9 jours. Gasp !

Solenn et moi repartons dimanche à l’aube pour Port St Louis, en espérant profiter d’une petite lucarne de vent calme pour passer le respectable Cabo Creus. Il reste environ 220 milles jusqu’à Port St Louis.
Une bagatelle. Cependant, la Méditerranée étant ce qu’elle est, imprévisible et colérique, ce ne sont pas les milles les plus faciles.

Así va la vida…

mardi 4 août 2015

La Linea de la Conception

Nous voici à Gibraltar. Enfin, presque. Juste à côté, en fait, à La Linea, la cité-dortoir des employés du Rocher qui ne sont pas de purs British.
La baie où nous avions mouillé il y a 7 ans, au départ d'un précédent voyage, a fait place à une marina flambant neuve. J'adore les mouillages, mais j'avoue qu'après tous ce mois de mer, j'apprécie de pouvoir brancher le tuyau d'eau et l'électricité au ponton. Et donc, nous nous vautrons sans vergogne dans le luxe, douches chaudes et machines à laver au bout du quai.
Nous avions absolument besoin de faire escale pour réparer la pièce de barre fendue - c'est fait, deux lignes de soudure, on n'y voit que du feu.
Au Mercadona local, nous avons fait le plein de ces pêches jaunes espagnoles que nous aimons tant. Hier nous avons marché quelques centaines de mètres, passé la frontière, changé quelques euros en pounds et pris un petit bain d'ambiance gibraltarienne. Et... ce soir, nous fêtons l'arrivée de Solenn, qui rejoint l'équipage pour les derniers milles jusqu'au sud de la France. Départ demain matin pour environ 250 milles jusqu'à Cartagena.



jeudi 30 juillet 2015

Cap Saint-Vincent - Sagres - cette fois-ci, on est en Europe pour de bon

La première partie de notre traversée Azores - Méditerranée est finie: on est arrivées au cap Saint-Vincent dans une brise de Nord habituelle par ici. Le temps de tourner autour du cap et on est allé se mettre au mouillage dans une petite baie un peu sauvage, juste sous une forteresse avec une chapelle et quelques touristes visiteurs: Fortalezza de Belixe.
au mouillage juste après le cap Saint-Vincent
Un arrêt bien nécessaire: réparer une avarie casse-pied sur la barre (une pièce en inox a priori bien épaisse et costaud... qui s'est fendue ou dessoudée). Et aussi récupérer un peu du sommeil en passant une nuit presque complète dans un bateau qui ne bouge plus: c'est quand même bien!
  Le bricolage avec les moyens du bord est temporaire, histoire de pouvoir barrer quand même jusqu'à un port où on trouvera un vrai soudeur...
une réparation temporaire, qui va devoir tenir encore quelques jours
(commentaire du rédacteur délégué: bien joué Joya, joli montage avec les réserves d'inox du bord !)  Demain matin, on va reprendre la route, direction Gibraltar et la Méditerranée. La prochaine escale est encore en discussions: Portimao, Cadix, ou La Linea,  on vous dira ça quand on y sera !
Mahaut et Joya

mercredi 22 juillet 2015

Réunies sur les mers

  Eh oui, le joli duo mère-fille est de retour sur les mers, après de longs mois de séparation. Voilà près d'un an et demi que je n'étais pas remontée sur Sir Ernest (Mahaut, la fille, vous vous souvenez ?). Il est désormais temps de boucler la boucle en achevant la dernière traversée, des Açores à Gibraltar avant de ramener définitivement le bateau en France.
Mahaut est à nouveau à bord
  Je suis arrivée à Horta vendredi par avion et, après avoir fini l'avitaillement, rangé le bateau et profité pour plonger grâce à un sympathique club de plongée sur le port (j'ai vu de magnifiques raies, des poulpes, des poissons perroquets d'un rouge sublime et même une langouste !), nous sommes parties lundi matin. Thibault, lui, est rentré à Genève. Cela fait maintenant presque 48 heures que nous sommes en traversée. Il y a peu de vent et nous avons fait beaucoup de moteur, mais le vent devrait bientôt se lever, du moins nous l'espérons. Le temps est très beau et très clément, nous avons eu hier une journée magnifique avec une belle mer bleue et un soleil bien chaud, suivi d'une nuit sublime avec de merveilleuses étoiles. Pour l'instant, c'est une très jolie traversée, même si un peu de vent ne nous ferait pas de mal...
  Nous prenons aussi peu à peu le rythme et j'en profite pour lire beaucoup (j'en ai enfin le temps !) et nous écoutons encore et toujours de nombreux podcasts. Tenter de comprendre la crise grecque en regardant les étoiles, ce n'est pas trop mal, je vous assure.

A bientôt !
Mahaut

mardi 14 juillet 2015

Panama - Açores: 39 jours, est-ce bien raisonnable ?

Terre!
   Là, sur l'horizon, la silhouette unique du volcan de Pico émerge des nuages bas. Pas trop de doute sur notre position, mais ça confirme avec une joie difficile à décrire notre arrivée dans l'archipel des Açores. Encore un petit effort et nous avons atterri sur l'île de Faial, au port de Horta.
L'arrivée à Horta, qui se dissimule dans les nuages.
   L'accueil au port de Horta est légendaire de gentillesse et de compétence, et la réalité est absolument fidèle à la légende encore une fois (c'est la trois ou quatrième fois que Sir Ernest arrive à la marina d'Horta, chaque fois un plaisir formidable).
  Bilan de la traversée ? 39 jours de mer de Panama à Horta avec deux minuscules arrêts (Great Inagua aux Bahamas pour quelques heures, Bermuda 1 jour pour refaire le plein de fuel et d'eau).  Eh bien ce n'est pas si mal pour un Endurance 35 comme Sir Ernest. Pas si mal, mais quand même bien bien long à vivre... Malgré les petites misères techniques normales d'une traversée aussi longue, tout s'est finalement assez bien passé, Sir Ernest a réussi à nous amener jusque là sans encombre majeure.
   On vous promet que la première bière fraîche après avoir amarré le bateau avait un goût inoubliable...
   Suite du programme: Thibault débarque et rentre en avion dès que possible à Genève, Mahaut vient le remplacer à bord, et dans quelques jours départ direction la Méditerranée. Le temps de faire quelques petites choses d'entretien (une vidange/service du moteur, trouver et changer une nouvelle paire de batteries de service, monter au mât pour vérifier deux drisses, supprimer le jeu dans la barre, remettre une anode d'arbre d'hélice, contrôler les entrées d'eau de mer du presse-étoupe, contrôler les pertes d'eau du réservoir souple d'eau douce, .... j'arrête là, vous allez vous endormir).
   L'aventure continue encore un peu.

Thibault et Joya

mardi 7 juillet 2015

Corner Seamounts

Je ne sais pas vous, mais, pour ma part, je ne saurais pas me passer de la
bonne vieille carte marine en papier. Pas par nostalgie ou esprit rétro,
non. MaxSea (un programme de navigation) est toujours ouvert sur
l'ordinateur, et Navionics (un autre ensemble de cartes électroniques) est
chargé sur l'ordi, au cas-où. Mais si ces programmes sont formidables,
qu'ils nous positionnent avec exactitude sur la carte sans qu'on ait besoin
de faire le moindre effort de calcul, la cartographie numérique fait
l'impasse sur un élément qui, mine de rien, a son importance en traversée:
la nature des fonds.

Comment cartographier l'océan, cette immensité vide ? Le grand routier de

l'Atlantique que nous utilisons en ce moment est bordé à gauche et à droite
par les continents (en beige) et leur plateau continental (profondeurs
jusqu'à 200 mètres, en bleu). Tout le reste de la carte, mis à part la
grille des latitudes et longitudes, est couverte de circonvolutions et de
chiffres. Ces arabesques et ces cercles représentent la géographie
sous-marine, chaînes de montagnes, vallées et sommets isolés, plaines
immenses.
Sur notre route, depuis le sud des Bahamas, nous avons d'abord passé
au-dessus de la Plaine Abyssale de Nares, dont la profondeur moyenne se
situe entre 6000 et 5000 mètres. Elle n'est pas uniformément
plate, mais ponctuée de montagnes sous-marines dont les plus hautes
culminent à - 4920 mètres .
Plus loin, passage obligatoire entre les Bermudes et les Açores, se trouvent
les Corner Seamounts (35N - 50W).

Cela fait une semaine que nous nous bagarrons pour faire le tour de cette

chaîne montagneuse au sud de la Plaine Abyssale Sohm (-5300 mètres) dont les
plus hauts sommets culminent à - 970 mètres. Les Corner Seamounts, ce sont
un peu les Alpes sous la mer. Elle se trouvent forcément au milieu de la
route de ceux qui rentrent des Antilles. Et même à 1000 mètres de
profondeur, ces Corner Seamounts sont une plaie. Parce que le Gulf Stream,
dans sa route vers l'Europe, passe aussi par là, et qu'il en profite pour
s'y promener, s'engouffrant dans les vallées, tournant autour des sommets.
Résultat pour nous, qui peinons à la surface: du courant contraire et une
mer chaotique.

Ce n'est pas la première fois que cette zone nous donne du fil à retordre.

Etre freiné par un courant contraire au milieu de l'Atlantique nord, il
n'y a rien de plus rageant. Quand on examine le tracé de nos routes à cet
endroit de la carte, on s'aperçoit que le vent et le courant réunis nous
ont toujours obligés à faire le tour des Corner Seamounts. Cette année ne
fait pas exception. Même si Sir Ernest est passé plus au nord, nous avons
subi les "rebiques" du courant.

Petit à petit, cependant, nous progressons en direction du but. Il y a

trois jours, nous avons franchi la barre des derniers 1000 milles. Mais ne
cédons pas trop vite à l'enthousiasme: nous avons encore droit à un petit
coup de vent prolongé par un long épisode de calmes avant d'arriver à
destination.

Joya