jeudi 25 juin 2015

Escale express à Bermuda

Réservoirs d'eau et de fuel quasi vides: le bon sens et la prudence nous ont finalement poussé à faire escale aux Bermudes.
Nous sommes arrivés hier vers midi, poussés par un bon vent de sud-ouest. Oui, vous avez bien lu: après 8 jours de calmes, le vent s'est levé. Bon, au moment où il s'est levé, c'était la nuit. Et nous étions sous spi... Et ce qui ne devait pas arriver arriva. Notre pauvre spi cacochyme n'a pas supporté la brusque accélération du vent ; il a explosé en mille morceaux. Je ne vous raconte pas le chantier, ensuite, pour en récupérer les bouts.

Spi et génois en ciseaux... avant que tout n'explose.
Exit donc le spi.

Donc escale express aux Bermudes. En arrivant, une fois les formalités accomplies, délestés de 70 dollars, nous sommes allés directement au quai du fuel remplir nos réservoirs. Au magasin de la station-service nous avons dévalisé le frigo de sodas ... il y a des joies simples dont il ne faudrait pas se priver !
Bermuda: lumière et couleurs tropicales chez les Brits


Petit tour à terre en fin de journée avec l'annexe. St Georges Harbour, où nous sommes, c'est coquet, pimpant, British et très cher. On croise des troupeaux de touristes américains rebondis; des petites classes en course d'école, tous les enfants vêtus de t-shirts rouges. Un tour au supermarché, un tour au pub et voilà nous repartons.
La météo nous annonce du vent soutenu pour les prochaines 48 heures. On va essayer d'en profiter.


dimanche 21 juin 2015

Persévérance et obstination


Persévérance. Obstination. Patience.... Persévérance, obstination,
patience. Je me répète ces trois mots comme un mantra.
Cela fait maintenant une semaine que nous peinons dans les calmes. Nous
n'avons que très peu progressé. Il fait très chaud, plus de 30 degrés, le
soleil tape. Pas de nuages, pas de pluie. Rien que le grand silence et la
mer lisse.
Le vent devrait revenir.
Ce soir, la nuit prochaine, demain ?
Soufflera-t-il assez longtemps pour nous permettre de rejoindre le nord
des Bermudes ?

La mer est tellement calme ... Nos amis les puffins sont posés sur l'eau
près de Sir Ernest. Ils nous guettent du coin de l'oeil. Le clou de leur
journée, c'est lorsque nous allons nous baigner (l'eau est à 29 degrés,
elle rafraîchit à peine). Alors ils se rapprochent, pas craintifs pour un
sou. Ils plongent la tête sous l'eau, histoire de voir par en-dessous ces
étranges poissons malhabiles. Dévorés de curiosité, ils s'approchent
encore un peu et... tendent leur bec acéré vers nos orteils. Non merci !

Un de nos fidèles accompagnateurs


Je n'avais pas prévu ce calme interminable. Nos réserves d'eau, de fuel et
de nourriture s'amenuisent à la mesure du temps qui passe. C'est drôle de
se dire qu'à l'ère des GPS, Iridium, fichiers grib et autres routeurs,
nous vivons le manque de vent qui se prolonge avec des angoisses qu'ont
déjà dû ressentir les premiers explorateurs. Sauf, bien sûr, que nous,
nous savons précisément où nous sommes, nous connaissons le nombre de
milles exact qu'il nous reste à parcourir, et la force du vent qui souffle
à 200 kilomètres dans notre nord.

Encore 2058 milles au compteur, ce matin. Le programme de navigation
indique qu'avec notre vitesse actuelle - 1.5 noeuds, c'est à dire environ
3 km/h - nous arriverons aux Açores dans 50 jours.

Patience... persévérance... obstination...

samedi 20 juin 2015

Rien à l'horizon

Nous avons à peine eu le temps d'entrer dans l'Atlantique et voici que le vent est parti faire le fou ailleurs. Le bon vieux Sir Ernest se traîne dans la chaleur en soufflant, tout suant et tout poussif. Roméo, Charlie et compagnie ont pris leurs RTT et ce sont donc Thibault et Joya qui se relaient à la barre pour aider le pauvre bateau à avancer. La mer est immense, à peine parcourue de quelques ridelettes. Rien à l'horizon, sauf quelques nuages qui n'apportent pas de vent. 
Encalminés au voisinage du Triangle des Bermudes
Avec ce calme, la mer est totalement silencieuse. On entend à peine le clapotis de l'eau contre la coque, lorsque les voiles sont suffisamment glonflées et qu'elles ne claquent pas. Hier,  trois puffins sont venus nous tenir compagnie. Assis dans notre sillage, pagayant paresseusement de temps en temps, ils allaient aussi vite que nous. De temps en temps, ils plongeaient la tête dans l'eau pour un casse-croûte de petits poissons dérangés par le passage du bateau. Et quand cela n'avançait pas assez vite, ou pour se dégourdir les ailes, ils dépassaient Sir Ernest, se posaient un peu plus loin pour l'attendre. Encore quelques jours à ce régime et ils vont s'apprivoiser !

Joya

lundi 15 juin 2015

Enfin l'Atlantique

Après 12 jours de grimpette au près serré, nous sommes entrés hier, samedi
13 juin,  dans l'Atlantique, laissant d'abord le Windward Passage (entre
Haïti et Cuba) puis le Mayanagua Passage (Bahamas), dans notre sillage.

Je redoutais le Windward. Il a mauvaise réputation, comme l'ont souvent

ces passages étroits où le vent s'engouffre avec force. Mais nous avons eu
de la chance. Nous sommes presque passés par calme plat, avant que les
Esprits gardant le Cap A'Foux, au nord-ouest de Haïti, ne s'avisent de
notre présence. Et le vent s'est relevé, et levé encore, et encore. C'est
avec trois ris et la trinquette que nous avons finalement trouvé refuge
sous le vent de Great Inagua, une île des Bahamas à quelques dizaines de
milles au nord-est de Cuba.
Là, nous avons fait une pause. Eau turquoise, alizé soutenu, bateau bien
ventilé pour chasser l'humidité, c'est fou ce que cela fait du bien.
Evidemment, cette journée de repos a été mise à profit pour faire toutes
sorte de petites - et grandes - réparations. Monter au mât pour vérifier
le feu de navigation qui, décidément, n'aime pas être secoué au près.
Remettre de l'eau dans les batteries qui n'ont pas du tout apprécié la
chaleur de Panama. Réparer le génois qui s'est redéchiré sur plus de deux
mètres ...(euh... je dirais qu'il est cuit, archi-cuit, le pauvre). Et
puis se baigner dans de l'eau transparente à 28.5 degrés, prendre l'apéro
tranquillement au soleil couchant, dormir à plat.

Avant de rejoindre l'Atlantique, il nous restait à nous faufiler entre les

îles du sud des Bahamas environnées de leurs cays. Contrairement aux
grandes îles, Haïti, Cuba, la Jamaïque, qui sont hautes et verdoyantes,
Great Inagua et ses voisines émergent à peine de la mer. Il faut avoir le
nez dessus pour les voir. Le pilône-radio de l'aéroport apparaît comme un petit
piquet sur l'horizon, une frange sombre et dentelée indique un bouquet de
végétation, une jolie bande d'écume blanche signale un récif débordant
largement la pointe de l'île ou pire, juste posé là, au milieu de notre
route. Il faut naviguer les yeux ouverts et, la nuit, faire confiance à
l'électronique.

On attendait l'Atlantique comme une Mer promise. Ah, enfin pouvoir

abattre, ouvrir les voiles et se laisser glisser...
Mais non, faux espoirs. Nous sommes toujours au près serré, tribord
amures, bien gîtés sur babord et cela va encore durer plusieurs jours. Le
vent est obstinément orienté est-nord-est, les Açores sont à 2500 milles
au nord-est, c'est vite vu.
Enfin, est-ce parce que c'est dimanche ? Le vent a un peu baissé, la mer
s'applatit doucement. On tient le bon bout.

jeudi 11 juin 2015

Naviguer à l'oreille, position du bateau par la musique


Avec des GPS un peu partout, connaitre sa position est à peine encore une question à bord d'un bateau en 2015. Et pourtant il n'y a pas si longtemps (quoi? je suis déjà si vieux?), les signaux radio (ondes courtes) étaient les bienvenus pour connaitre sa longitude et sa latitude. Si plus personne ne se casse les pieds à tournicoter son récepteur gonio pour obtenir un indicatif régulier et net afin de déterminer le relèvement d'une balise radio (souvenirs d'une nuit d'encre brumeuse dans les Pertuis à relever le phare des Baleines dans 2.50m de creux et sous une pluie battante, ça siffle encore dans mes oreilles...), on peut encore allumer en croisière sa radio en FM et chercher au hasard à capter une station locale. Dans la mer des Caraïbes, sur la route de Sir Ernest, ça marche très bien.
Exemple d'application de la méthode: vous allumez votre récepteur FM, et vous attrappez une station où un DJ à la tchatche déconcertante mais dans un anglais très clair vous enchaîne de manière super pro des tubes reggae classiques et des arrangements électro récents toujours sur la même base reggae: pas de doute, vous êtes devant Kingston - Jamaïque. Pour quelques heures vous allez réveiller tous vos souvenirs de tubes de Peter Tosh, Bob Marley, les Toots, et toute la puissance de
production musicale jamaïcaine.
   Puis la station devient inaudible, vous cherchez encore et tout à coup vous attrappez du créole nettement plus francophone, une espèce de zouk avec beaucoup d'orgue électronique, les chansons à la gloire des joints ont été remplacées par des propos religieux édifiants: vous savez maintenant que le cap Dame-Marie n'est plus très loin, vous approchez d'Haïti. Toute une autre ambiance sonore va vous accompagner pendant quelques dizaines de milles.
   Jusqu'à ce que la première station en espagnol, avec les rythmes  très variés et riches portés par les cuivres de la musique cubaine ne vienne animer votre cockpit de bateau: vous approchez du Windward Passage à la pointe ouest de Cuba.
   Je ne sais pas encore si du fado va nous accueillir sur la bande FM en arrivant aux Açores, mais ce qui est certain c'est qu'au large en Atlantique nous n'aurons de musique à bord qu'avec nos petits appareils personnels. Dans le doute, ne jetons pas nos GPS par dessus bord, et gardons-les allumés, c'est moins culturel, mais nettement plus sûr !

Thibault

dimanche 7 juin 2015

Penchés à gauche

La Jamaïque est devant nous, à 50 milles environ. Depuis six jours, nous
avançons au près, gîtés sur babord, contre vent, vagues et courant. On le
savait, mais cela ne rend pas la chose plus rigolote: c'est un peu comme
se hisser le long d'une falaise, main après main. Il ne faut surtout pas
se décourager. Nous vivons penchés, style Dahu. Tout à bord devient plus
difficile. Se mouvoir, faire à manger, se caler pour dormir, manoeuvrer
sur le pont.
Evidemment, le matériel est très sollicité et avons eu notre lot de petits
soucis. Un truc qui pète par-ci, un désamorçage de moteur par-là, un
problème de batteries, un autre avec l'enrouleur de génois. Pour le
moment, et je croise les doigts et touche du bois, tout est sous contrôle.

Ces prochains jours, nous allons continuer à nous hisser vaillamment vers
le Windward Passage, entre Cuba et Haïti. Encore une petite partie de
plaisir en perspective, avant d'arriver en Atlantique.

Mais avant cela, nous devons décider si nous profitons de la proximité de
Kingston, capitale de la Jamaïque, pour refaire le plein de fuel. Il n'est
pas question d'une vraie escale, mais juste d'un arrêt de quelques heures.
Tentant, mais les choses étant fidèles à l'habitude, nous arriverions de
nuit. Pas très facile avec tous les récifs qui jalonnent l'entrée du port.
On verra.