jeudi 30 juillet 2015

Cap Saint-Vincent - Sagres - cette fois-ci, on est en Europe pour de bon

La première partie de notre traversée Azores - Méditerranée est finie: on est arrivées au cap Saint-Vincent dans une brise de Nord habituelle par ici. Le temps de tourner autour du cap et on est allé se mettre au mouillage dans une petite baie un peu sauvage, juste sous une forteresse avec une chapelle et quelques touristes visiteurs: Fortalezza de Belixe.
au mouillage juste après le cap Saint-Vincent
Un arrêt bien nécessaire: réparer une avarie casse-pied sur la barre (une pièce en inox a priori bien épaisse et costaud... qui s'est fendue ou dessoudée). Et aussi récupérer un peu du sommeil en passant une nuit presque complète dans un bateau qui ne bouge plus: c'est quand même bien!
  Le bricolage avec les moyens du bord est temporaire, histoire de pouvoir barrer quand même jusqu'à un port où on trouvera un vrai soudeur...
une réparation temporaire, qui va devoir tenir encore quelques jours
(commentaire du rédacteur délégué: bien joué Joya, joli montage avec les réserves d'inox du bord !)  Demain matin, on va reprendre la route, direction Gibraltar et la Méditerranée. La prochaine escale est encore en discussions: Portimao, Cadix, ou La Linea,  on vous dira ça quand on y sera !
Mahaut et Joya

mercredi 22 juillet 2015

Réunies sur les mers

  Eh oui, le joli duo mère-fille est de retour sur les mers, après de longs mois de séparation. Voilà près d'un an et demi que je n'étais pas remontée sur Sir Ernest (Mahaut, la fille, vous vous souvenez ?). Il est désormais temps de boucler la boucle en achevant la dernière traversée, des Açores à Gibraltar avant de ramener définitivement le bateau en France.
Mahaut est à nouveau à bord
  Je suis arrivée à Horta vendredi par avion et, après avoir fini l'avitaillement, rangé le bateau et profité pour plonger grâce à un sympathique club de plongée sur le port (j'ai vu de magnifiques raies, des poulpes, des poissons perroquets d'un rouge sublime et même une langouste !), nous sommes parties lundi matin. Thibault, lui, est rentré à Genève. Cela fait maintenant presque 48 heures que nous sommes en traversée. Il y a peu de vent et nous avons fait beaucoup de moteur, mais le vent devrait bientôt se lever, du moins nous l'espérons. Le temps est très beau et très clément, nous avons eu hier une journée magnifique avec une belle mer bleue et un soleil bien chaud, suivi d'une nuit sublime avec de merveilleuses étoiles. Pour l'instant, c'est une très jolie traversée, même si un peu de vent ne nous ferait pas de mal...
  Nous prenons aussi peu à peu le rythme et j'en profite pour lire beaucoup (j'en ai enfin le temps !) et nous écoutons encore et toujours de nombreux podcasts. Tenter de comprendre la crise grecque en regardant les étoiles, ce n'est pas trop mal, je vous assure.

A bientôt !
Mahaut

mardi 14 juillet 2015

Panama - Açores: 39 jours, est-ce bien raisonnable ?

Terre!
   Là, sur l'horizon, la silhouette unique du volcan de Pico émerge des nuages bas. Pas trop de doute sur notre position, mais ça confirme avec une joie difficile à décrire notre arrivée dans l'archipel des Açores. Encore un petit effort et nous avons atterri sur l'île de Faial, au port de Horta.
L'arrivée à Horta, qui se dissimule dans les nuages.
   L'accueil au port de Horta est légendaire de gentillesse et de compétence, et la réalité est absolument fidèle à la légende encore une fois (c'est la trois ou quatrième fois que Sir Ernest arrive à la marina d'Horta, chaque fois un plaisir formidable).
  Bilan de la traversée ? 39 jours de mer de Panama à Horta avec deux minuscules arrêts (Great Inagua aux Bahamas pour quelques heures, Bermuda 1 jour pour refaire le plein de fuel et d'eau).  Eh bien ce n'est pas si mal pour un Endurance 35 comme Sir Ernest. Pas si mal, mais quand même bien bien long à vivre... Malgré les petites misères techniques normales d'une traversée aussi longue, tout s'est finalement assez bien passé, Sir Ernest a réussi à nous amener jusque là sans encombre majeure.
   On vous promet que la première bière fraîche après avoir amarré le bateau avait un goût inoubliable...
   Suite du programme: Thibault débarque et rentre en avion dès que possible à Genève, Mahaut vient le remplacer à bord, et dans quelques jours départ direction la Méditerranée. Le temps de faire quelques petites choses d'entretien (une vidange/service du moteur, trouver et changer une nouvelle paire de batteries de service, monter au mât pour vérifier deux drisses, supprimer le jeu dans la barre, remettre une anode d'arbre d'hélice, contrôler les entrées d'eau de mer du presse-étoupe, contrôler les pertes d'eau du réservoir souple d'eau douce, .... j'arrête là, vous allez vous endormir).
   L'aventure continue encore un peu.

Thibault et Joya

mardi 7 juillet 2015

Corner Seamounts

Je ne sais pas vous, mais, pour ma part, je ne saurais pas me passer de la
bonne vieille carte marine en papier. Pas par nostalgie ou esprit rétro,
non. MaxSea (un programme de navigation) est toujours ouvert sur
l'ordinateur, et Navionics (un autre ensemble de cartes électroniques) est
chargé sur l'ordi, au cas-où. Mais si ces programmes sont formidables,
qu'ils nous positionnent avec exactitude sur la carte sans qu'on ait besoin
de faire le moindre effort de calcul, la cartographie numérique fait
l'impasse sur un élément qui, mine de rien, a son importance en traversée:
la nature des fonds.

Comment cartographier l'océan, cette immensité vide ? Le grand routier de

l'Atlantique que nous utilisons en ce moment est bordé à gauche et à droite
par les continents (en beige) et leur plateau continental (profondeurs
jusqu'à 200 mètres, en bleu). Tout le reste de la carte, mis à part la
grille des latitudes et longitudes, est couverte de circonvolutions et de
chiffres. Ces arabesques et ces cercles représentent la géographie
sous-marine, chaînes de montagnes, vallées et sommets isolés, plaines
immenses.
Sur notre route, depuis le sud des Bahamas, nous avons d'abord passé
au-dessus de la Plaine Abyssale de Nares, dont la profondeur moyenne se
situe entre 6000 et 5000 mètres. Elle n'est pas uniformément
plate, mais ponctuée de montagnes sous-marines dont les plus hautes
culminent à - 4920 mètres .
Plus loin, passage obligatoire entre les Bermudes et les Açores, se trouvent
les Corner Seamounts (35N - 50W).

Cela fait une semaine que nous nous bagarrons pour faire le tour de cette

chaîne montagneuse au sud de la Plaine Abyssale Sohm (-5300 mètres) dont les
plus hauts sommets culminent à - 970 mètres. Les Corner Seamounts, ce sont
un peu les Alpes sous la mer. Elle se trouvent forcément au milieu de la
route de ceux qui rentrent des Antilles. Et même à 1000 mètres de
profondeur, ces Corner Seamounts sont une plaie. Parce que le Gulf Stream,
dans sa route vers l'Europe, passe aussi par là, et qu'il en profite pour
s'y promener, s'engouffrant dans les vallées, tournant autour des sommets.
Résultat pour nous, qui peinons à la surface: du courant contraire et une
mer chaotique.

Ce n'est pas la première fois que cette zone nous donne du fil à retordre.

Etre freiné par un courant contraire au milieu de l'Atlantique nord, il
n'y a rien de plus rageant. Quand on examine le tracé de nos routes à cet
endroit de la carte, on s'aperçoit que le vent et le courant réunis nous
ont toujours obligés à faire le tour des Corner Seamounts. Cette année ne
fait pas exception. Même si Sir Ernest est passé plus au nord, nous avons
subi les "rebiques" du courant.

Petit à petit, cependant, nous progressons en direction du but. Il y a

trois jours, nous avons franchi la barre des derniers 1000 milles. Mais ne
cédons pas trop vite à l'enthousiasme: nous avons encore droit à un petit
coup de vent prolongé par un long épisode de calmes avant d'arriver à
destination.

Joya

samedi 4 juillet 2015

Bermuda - Açores, c'est tout droit ? Pas si sûr...

En principe tout est clair: pour aller en bateau des Bermudes aux Açores, vous avez 1800 milles nautiques à parcourir (3330 km), et vous n'avez que de l'océan sans obstacle. Donc c'est tout droit vers l'Est, en mettant un petit peu de Nord dans votre Est, et ça devrait le faire.
  Mais en voilier rien n'est simple, la route va devoir faire des détours. Dans cette traversée de début d'été sur l'Atlantique nord, très parcouru par tous les voiliers qui rentrent des Antilles et ont commencé la migration à la fin du printemps, le principal piège ce sont les anticyclones.
"Comment ?" direz-vous, le bon dieu leur envoie du beau temps et du ciel bleu, et ces voileux râlent encore ?  C'est que les voiliers ont besoin de vent pour faire la route (en particulier quand il y a plus de 3000km au programme...) et les anticyclones ont la fâcheuse habitude d'abriter en leur sein des zones de calmes persistants, et en plein été, ils ont également la nonchalance de saison, ils ne se déplacent que lentement ou pas du tout.  Donc le voilier inattentif aux cartes météo tout content de bénéficier sur la route directe d'un joli vent très modéré sous un ciel bleu et quelques cumulus de beau temps, se retrouve avant d'avoir compris ce qu'il lui arrive au coeur de l'anticyclone qui lui tend les bras... et ses zones de calme. Une fois là-dedans, il n'avancera plus, l'anticyclone ne bougera guère, et la situation peut durer des jours sans évolution notable. Pas bon pour le moral...

Il en faut, de la patience....
   Et le moteur alors ? Hein ? il sert à quoi le moteur ?  Ah bien sûr, il y a moyen de faire du moteur s'il reste assez de fuel. Mais les voiliers ont généralement une autonomie en fuel limitée, et il est impossible de faire la motié de la traversée au moteur (il faudrait emporter des centaines et des centaines de litres de fuel en plus, et on ne peut pas, vous comprenez, la place est prise par les cannettes de bière...). Et de toute façon, il est indispensable de garder du fuel pour l'arrivée (les 2-3 derniers jours avant d'arriver à Horta-Açores sont souvent à faire au moteur).
  Bon alors on fait comment ?  Eh bien on fait le tour de l'anticyclone, par le Nord. Les cartes météo à jour sont alors indispensables et une bonne observation du ciel vient complèter ces infos. En faisant route suffisamment tôt vers le Nord-Est, voire vers le NNE, on rejoint dès que possible au moins la latitude des Açores, parfois même un peu plus. Puis seulement à ce moment là on prend un cap en direction du but.
  C'est exactement ce qu'on vient de faire entre hier et aujourd'hui: on espère très fort qu'on est monté assez au Nord maintenant, et on a tourné l'étrave de Sir Ernest vers Horta. Nos infos météo du jour nous disent que pour la semaine qui vient, ça devrait le faire... Croisez-les doigts avec nous pour que ça marche !